Toutes les traditions du monde ont des techniques corporelles qui utilisent la main et le massage pour soigner, soulager, reposer ou détendre. Il n'en est pas autrement au Japon.
Les traces les plus anciennes de thérapies manuelles remontent au VIème siècle avec l'apport, sous le nom de Kampô, des techniques fondamentales de la médecine traditionnelle chinoise dont le massage, physique et énergétique. C'est cette dimension du Kampô qui prit le nom d'Anma ou Amma, terminologie que l'on voit apparaître dans des écrits vers 700 et qui fut utilisée ensuite tout au long de l'histoire du Japon.
Le Anma de l'époque était une technique thérapeutique complète, comprenant diagnostic et traitement. Cependant, pendant toute la période où le Japon, sous la férule de la dynastie Tokugawa (1600 à 1860 environ), se ferma au monde et refusa toute relation avec l'extérieur, le massage thérapeutique Anma, coupé de ses racines, se dévitalisa pour ne devenir progressivement qu'une technique corporelle et populaire. Celle-ci fut à cette époque très pratiquée par des aveugles dont la qualité de toucher était très appréciée, au point qu'à la fin du XIXème siècle le terme Amma, qui désigne le massage, servait également à désigner les aveugles.
La réouverture du Japon vers l'extérieur, à partir de la fin de ce XIXème siècle, permit aux techniques de massage occidentales de faire une entrée remarquée et d'autant plus privilégiée qu'elles étaient reconnues comme "médicales", le Amma ne l'étant plus.
Le début du XXème siècle vit apparaître un renouveau de la connaissance traditionnelle dans son essence la plus noble, dans de nombreux domaines comme les arts martiaux et bien entendu les techniques thérapeutiques. En 1930, le Ministère de la Santé recensa officiellement 300 techniques thérapeutiques différentes, dont le Shiatsu. La paternité du terme Shiatsu n'est pas totalement claire même si la plupart du temps elle est attribuée à Tokujiro Namikoshi (1905 - 1999).
Il existe pourtant des écrits sur le traitement Shiatsu et notamment sur le Shiatsu "ampuku" (du ventre) datant de plus de 150 ans comme celui écrit par Shinsai Ota par exemple.
De toute façon, le Shiatsu se définit déjà à l'époque comme beaucoup plus qu'une simple technique thérapeutique. Il se présente comme une véritable philosophie de vie. Namikoshi écrivait lui-même dans son "traité de thérapeutique manuelle japonaise Shiatsu" que: "le Shiatsu donnera une vitalité nouvelle à l'employé de bureau et stimulera en lui l'esprit d'entreprise dont il ne se serait jamais cru capable. Il permettra à l'enseignant de transformer des cancres en élèves très doués et à l'épouse d'avoir un mari heureux et en bonne santé". On voit bien, au-delà du caractère suranné du propos, combien la pratique et l'action du Shiatsu sont perçues et voulues comme globales et agissantes tant sur les plans physique que psychique. Le fait que le Shiatsu soit une pratique "vivante" où différents courants coexistent en est également un signe incontestable.
L'après deuxième guerre mondiale vit la reconnaissance officielle du Shiatsu comme "thérapeutique" par le Ministère de la Santé japonais qui le définit en 1955 comme suit: "Shiatsu est une forme de manipulation qui utilise les pouces et les paumes des mains, sans aucun instrument mécanique ou autre, qui applique une pression sur la peau humaine, pour corriger le mauvais fonctionnement interne, favoriser et maintenir la santé et traiter les maladies spécifiques".
Aujourd'hui le Shiatsu est pratiqué à travers tout le Japon et rencontre un écho toujours favorable malgré le nivellement mondialisé qui éloigne des traditions. Très pratiqué dans les centres de bains ou le plus souvent dans des "cliniques", le Shiatsu reste totalement inscrit comme une pratique d'hygiène thérapeutique dont les fondements appartiennent à l'inconscient collectif et ne sont à aucun moment discutés ou remis en cause.
Pour en savoir plus : "Shiatsu Fondamental" en trois tomes, de Michel Odoul aux editions Albin Michel.